L’histoire commence il y a une vingtaine d’années. Le mec est un passionné d’informatique, doué et créatif. Il commence sa carrière professionnelle mais son ascension est vite ralentie dans la mesure où il est essentiellement autodidacte, il n’a pas de formation traditionnelle, académique, à la française. Bah, c’est moche, son curriculum vitae sort des sentiers battus.
Il se lance donc dans l’entrepreneuriat en créant sa boîte dans un secteur naissant à cette époque : l’hébergement de contenus multimédias. Visionnaire le jeune homme car le haut débit n’était alors pas démocratisé, les smartphones encore moins. Si, si, je vous jure que c’est vrai, preuve que le monde avance trop vite, à la limite de la sortie de route, car on parle d’une quinzaine d’années tout au plus.
Un, deux, cinq, dix salariés. Le projet se développe, mais le carburant commence à manquer pour garder le rythme. Une tierce personne, au profil « business », rentre dans l’aventure en tant qu’associé. Malin, belle complémentarité.
Quinze, vingt salariés. Le projet continue d’avancer à grands pas, le haut débit entre dans tous les foyers et les smartphones dans toutes les poches. C’est beau, pari réussi ! L’entreprise attire naturellement les convoitises. Un très gros acteur du marché se positionne pour un rachat. Une proposition qui ne se refuse pas. Après une étude minutieuse, l’offre est finalement déclinée. Perte de sens et de liberté, les valeurs profondes de l’entreprise sont en jeu. Pour se développer à l’international, le carburant nécessaire viendra d’un fond d’investissement spécialisé. Bien joué.
Vingt-cinq, trente, quarante salariés. La croissance est encore au rendez-vous. Jusqu’à l’arrivée d’un grain de sable qui vient enrayer l’horlogerie de haute précision. Un gros client qui part, la nécessite permanente d’investir en recherche et développement dans un secteur à la pointe, et la concurrence qui montre violemment ses dents. Le fond d’investissement décide alors soudainement de ne plus suivre pour se focaliser sur une rentabilité à court terme.
C’est dur, très dur, les coups fusent, mais il en faut plus pour écarter de son chemin notre ami. Il se bat corps et âme pour son bébé, et tous ses salariés, recrutés un par un, qu’il connait personnellement.
Mais alors que la société retrouve un semblant de couleur au prix de gros efforts, le fond d’investissement et l’associé ont préparé un sale coup en douce. Le mec, il est obligé de quitter le navire, dingue, la boîte est disloquée, ouf, clap de fin. Et aujourd’hui, pas évident pour lui de se relancer. En effet, ici en France, lorsqu’un entrepreneur se retrouve dans cette situation, il est marqué au fer rouge « loser ». Un scandale, j’hallucine. Cerise sur le gâteau, même pôle emploi s’y met : « Votre cursus fait peur, vous êtes bien trop qualifié. En revanche, entre nous, vous avez toutes vos chances à l’étranger. ». C’est le pompon, on marche sur la tête.
Voilà, c’est l’histoire d’un mec, un entrepreneur humaniste, qui en a, des convictions. Un jour il m’a dit : « Tu sais Eric, avec cette histoire, j’ai appris une chose. Quand il y a du pognon à prendre il ne faut pas hésiter, car cela n’arrive qu’une seule fois ! ». Il repense à ce moment ou une grosse multinationale était sur le point de mettre une valise pleine de billets sur la table. Et lui, il en aurait grassement profité. Normal qu’il me dise ça, il a beaucoup souffert et souffre encore. Sauf que si tout le monde retrouvait l’humanité qui est en train de nous quitter, et avançait avec convictions, le monde irait mieux. Continue mon pote, ne lâche rien, c’est toi qui a raison, t’es un « winner » !
Trés chouette article, pertinent et bien écrit ! Avec un message humaniste, au travers de ce récit, qu’il faut diffuser au plus grand nombre.